mardi 14 février 2017

CONTREPOINT IMPROBABLE

         


Voici toute l'histoire. 

Dans le tiroir d’un petit meuble, qu’Albertine venait d’acheter dans un quelconque dépôt-vente, j’ai trouvé un petit cahier d’écolier avec une couverture d’un bleu outremer affadi par le temps. Sur la première page, dans un cartouche imprimé sur un fond gris, d’une belle écriture violette et appliquée, il était écrit :

« Poésies de Jean Mélais, Instituteur à………….. ».


Mais le lieu, lui, n’était malheureusement pas écrit. Ou peut-être d’une autre encre, qui depuis s’est effacée. Enfin, à bas à droite, une simple date : 1924.
         J’ai tout de suite fait le rapprochement : certains de ces textes me paraissaient entrer merveilleusement en correspondance avec quelques-unes de mes photos préférées parmi toutes celles qu’Albertine se plaît à collecter au gré de ses promenades. D’autres poèmes ensuite, au fil des lectures, se sont offerts à de semblables illustrations avec des photos déjà réalisées.
Il n’en fallait pas plus pour nous piquer au jeu, et bientôt, pour les textes demeurés orphelins, elle a accepté d’emblée de faire d’autres photos destinées à leur tenir compagnie.
         Ce petit album est le résultat de cette asymétrique collaboration, involontaire par la force des choses pour l’un des auteurs, parfaitement consciente et assumée, comme on vient de le dire, pour l’autre.
         Quant à moi, je me contenterai de les remercier tous les deux. En espérant que Jean Mélais, s’il l’aurait su (le conditionnel est volontaire pour bien marquer l’irréalité absolue de cette hypothèse) ne m’en eût pas trop voulu.





















Le texte (pour les éventuelles aides à la traduction, les simples automaticités sont vite très surréalistes... dans le meilleur des cas):


LES SONGES DU CANAL

Les songes du canal sont verts
Mais de quel vert s’agit-il donc
Pour le savoir attendons qu’
Il nous le dise avec des vers

Car le canal est un poète
Sur son miroir glissent les songes
Il chante et nos pas qui les longent
Scandent les strophes qu’il apprête

Vert d’herbes tendres ou de noyés
Pour lui désormais c’est tout un
Pourtant son printemps fut si gai
Il aimait tout tous les matins

Mais pour lui aussi c’est le soir
Il soigne sa mélancolie
Bien au noir au fond de son lit
Où s’est noyé mon désespoir

Les songes du canal sont verts
Rêves de caps rêves de pics
Mais le ciel gris n’est qu’un tapis qu’
Il sent peser sur son repaire

Il sait qu’il a déjà trop plu
Sur ses chemins de platitude
Qu’il coule en vain qu’il n’en peut plus
Condamné à la solitude


LES MARCHES DE JEANNE

Si Jeanne un jour passa par là
Elle gravit tous ces degrés
Ils la menèrent au curé
Qui perpétue je ne sais quoi

Les vieux cultes de son église
Jeanne qui croit en tout ça
Peut-être qu’elle entend les voix
De Saint Léon ou de Sainte Lise

Si bavardaient ces vieilles marches
Elles diraient que je délire
Qu’il me faudrait longtemps relire
Anciens bouquins et vieux parche-

Mins qui sauraient seuls m’enseigner
Le respect des vieilles reliques
Qui de tout temps ont fait la nique
Aux esprits forts qui veulent nier

Si Jeanne un jour passa par là
Elle gravit tous ces degrés
Ils la menèrent au curé
Qui perpétue je sais trop quoi


LUBIE FLORALE

Tous ces gens qui s’en vont là-bas
Je voudrais bien avoir leur chance
Ils vont dans des trains en partance
C’est bien pour eux mais pour moi pas

Enraciné dans mon parterre
Je charme un passant frénétique
Mais une rose me le pique
Je voudrais être un chien qui erre

Les larmes de la véronique
Font de l’ombre à mes pleurs à moi
Je n’envie pas les hortensias
Mais bien ce cabot qui rapplique

Il arrose les réverbères
Et même les fleurs les plus belles
Dans son errance libertaire
Dirait-on pas qu’il a des ailes

Moi je suis immobile là
Près du goudron que je décore
Le pont ne me voit même pas
Je suis la tulipe des morts


OBSTINATION

Je comprends bien que tu t’obstines
A me figer le cours du temps
Pleure Pierrot sa Colombine
Près des roseaux près des étangs

Je comprends bien que tu t’obstines
Oui mais vraiment il n’est plus temps
Il n’y a plus de Colombine
Depuis longtemps près des étangs

N’est plus que ton Art qui s’obstine
A me vouloir figer le temps
Il m’aide à rêver Colombine
Qui pleure là près des étangs















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